L'INVASION DES CHAINES AMERICAINES EN FRANCE

Depuis que NBC et Vivendi Universal ont fusionné il y a bientôt deux ans, le groupe mise sur une forte « politique d’expansion internationale ». Il en résulte que sur les 15 milliards de dollars de chiffre d’affaires enregistrés l’année dernière, un quart est issu des activités menées à l’étranger.

C’est ainsi que de nouvelles chaînes apparaissent dans le paysage audiovisuel français, diffusées par Canal Sat. La dernière en date, d’abord diffusée en Grande-Bretagne puis en Allemagne et enfin en France le 2 décembre dernier, s’appelle Sci-Fi. Le lancement de cette chaîne s’inscrit dans une logique de développement en France du genre « science-fiction » qui avait débutée avec l’apparition de la chaîne 13 e Rue.

Le groupe américain n’en est pas à son coup d’essai puisque cinq autres chaînes ont été introduites en France par le biais de Canal Sat depuis septembre 2005, telles que Discovery Real Time, FoxLife ou Playboy TV. NBC Universal ne compte d’ailleurs pas s’arrêter là puisque entre une chaîne américaine et une chaîne française, c’est la première qui sera préférée, et ce pour des raisons économiques. En effet, il est courant de « procéder à des échanges » avec de grands groupes américains, comme négocier une entrée sur le marché français contre quelques films en exclusivité, ce qui n’est pas souvent possible avec de petites chaînes françaises.

Toutefois la majeure partie du problème ne se situe pas là. Elle réside surtout dans le fait que ces chaînes américaines, possédant une licence européenne, choisissent de diffuser leurs programmes en français mais hors de France, à Londres ou à Rome. Cette pratique n’est pas illégale puisque la directive européenne Télévision Sans Frontières (TVSF) pose le principe de la libre circulation des programmes audiovisuels, ce qui a pour conséquence qu’un Etat membre ne peut s’opposer à la diffusion d’une chaîne autorisée et établie dans un autre Etat membre.

En revanche, elle cache une réalité discutable . En s’installant à l’étranger, les chaînes américaines se soustraient à la législation française plus stricte et plus protectrice que d’autres. Ainsi, ces chaînes dites «  périphériques » échappent aux taxes sur le chiffre d’affaires, aux obligations de produire ou de diffuser des oeuvres d’origines européennes ainsi qu’aux obligations concernant la signalétique jeunesse et aux contraintes portant sur les jours et horaires de diffusion des films.

Cette tendance provoque de vives réactions de la part des responsables de chaînes de droit français qui invoquent des contournements de législation. Cette pratique a pourtant été condamnée par la Commission chargée des travaux de révision de la directive TVSF qui néanmoins en regrette certains « effets pervers ». De plus, on est en droit de se demander si le soutien financier du Centre National de Cinématographie (CNC) n’est pas abusivement utilisé par des films aux capitaux non européens mais réalisé en France par un français et en français comme cela l’a été pour Un long dimanche de fiançailles.

Ainsi à cause de ce type de pratiques, on risque de voir augmenter le nombre de films destinés au marché international dont les financements ont été obtenus grâce aux règles de « l’exception culturelle française ».

Source : le Monde

Céline MIOCHE