LE CRITICABLE RENFORCEMENT DE L’ENSEIGNEMENT IMMERSIF DES LANGUES REGIONALES

Le 16 décembre 2015, le rapporteur Paul Molac a présenté une proposition de loi sur l’enseignement immersif des langues régionales à la Commission des affaires culturelles. Cette proposition comporte un double objectif. Un objectif d’enseignement immersif des langues régionales dans les établissements scolaires et un objectif d’utilisation de ces langues par le biais de signalétiques ainsi que dans les médias.

Un contexte français peu favorable à la valorisation des langues régionales

En France certains dénoncent un refus d’attribuer un quelconque statut aux langues régionales. Ils estiment que la richesse de notre pays concernant ces langues implique la détermination d’un statut propre. En effet en France, en comptant les territoires d’outre mer, on compte 75 langues différentes, cependant, elles constituent un patrimoine menacé. Les français parlent très peu une autre langue que le français. Le rapporteur Paul Molac affirme que « seul 12% parlent les langues régionales alors que dans leur jeunesse, le chiffre était de 26% ». On assiste donc à une érosion incontestable du parlé.

L’UNESCO classe toutes les langues régionales de France à l’exception d’une seule en grand danger d’extinction, le basque. La position française parait curieuse pour les défenseurs de ces langues dans la mesure où il semble y avoir une certaine indifférence, voir parfois même une hostilité sur la question, alors qu’à l’étranger, la position du pays est celle de la défense de l’exception culturelle française.

En 2006, la France a ratifié la Convention de sauvegarde des langues régionales, ce qui démontrait une réelle implication quant-à leur sauvegarde. Mais le véritable tournant s’est opéré en 2008 par la première inscription de ces langues dans la Constitution, leur permettant d’entrer dans le patrimoine national français. Les défenseurs des langues régionales affirment cependant qu’il n’existe pas de traduction législative de cette mention dans la Constitution. Ils condamnent les supposées contradictions dont aurait fait preuve la France et considèrent que malgré la signature de notre pays de plusieurs conventions internationales sur la diversité linguistique culturelle, le législateur ne précise pas le statut des langues régionales.

La proposition de loi contraignante, imposant l’enseignement immersif des langues régionales

Face à la dégénérescence de ces langues, la proposition de loi fait la promotion de leur enseignement immersif. Cela signifie que les autres disciplines comme les mathématiques ou l’histoire par exemple seraient enseignées dans une langue régionale. Le rapporteur estime qu’il est primordial pour sauvegarder les langues d’avoir recours à ce type d’enseignement. Les défenseurs des langues rappellent qu’elles font parties de notre patrimoine culturel et qu’elles doivent de ce fait être enseignées au même titre que le français. Plus que d’enseigner les langues régionales, il faut donner la possibilité aux français de l’utiliser.

S’agissant de cet enseignement dit immersif, des questions se posent. En effet, certains s’interrogent sur l’équilibre tangible entre l’enseignement du français et celui des langues régionales. La langue française est celle de la nation est son apprentissage est fondamental, il est donc primordial de trouver le juste équilibre afin que l’enseignement des langues régionales ne viennent pas écraser celui du français. Les défenseurs soutiennent le projet de loi en assurant que l’enseignement immersif des langues ne va pas abaisser la langue française dans notre pays. Paul Molac ajoute à cela qu’il a été prouvé que les locuteurs de langues régionales ne sont pas plus mauvais en français et qu’ils obtiennent des résultats même supérieurs à la moyenne.

Cependant, force est de constater que le niveau de français dans les écoles est aujourd’hui faible. Le français est une langue complexe comportant un vocabulaire d’une richesse incroyable, ce qui rend son apprentissage plus difficile. L’obligation d’un enseignement immersif des langues régionales dans les écoles primaires semble donc compliquée à réaliser. Concernant l’enseignement des autres langues obligatoires comme l’anglais, on s’aperçoit que les français sont critiqués à l’étranger.

L’anglais étant enseigné tôt, les difficultés évoquées ne démontrent-elles pas des obstacles déjà présents chez les jeunes français quant-à l’apprentissage de plusieurs langues ? L’hypothèse selon laquelle l’apprentissage anticipé de plusieurs langues permet davantage de faciliter à les assimiler est-elle réellement vérifiable ? Et est-il nécessaire d’imposer aux enfants d’apprendre la langue de leur région ? En effet, bien que les langues régionales constituent de grandes richesses en France et fassent parties de notre patrimoine culturel, il n’est pas forcément pertinent de les imposer.

N’est-il pas possible d’assimiler les langues régionales à la pratique de traditions culturelles ? Cette pratique est primordiale dans la culture française est doit être sauvegardée. Cependant, de nombreuses traditions françaises font parties du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, mais il parait impensable de rendre leur pratique obligatoire. Il est aussi important de rappeler que l’enseignement immersif des langues régionales se fait déjà en France dans certains établissements scolaires, le projet de loi n’interviendrait donc que par l’ajout d’une obligation généralisée.

La deuxième question apportée par l’opposition se pose quant-au financement. En effet, la proposition de loi impose aux établissements scolaires l’enseignement immersif des langues régionales, ce qui implique la distribution d’aides. Ces aides supplémentaires accordées ne vont pas nécessairement de soutenir la crise scolaire déjà présente.

Le rapporteur justifie la proposition de loi par ce qu’il traduit comme un recul de la France dans la sauvegarde des langues régionales. En 1951, la loi prévoyait la possibilité d’enseigner ces langues dans les établissements scolaires. Depuis, plusieurs circulaires ont réaffirmé cette possibilité, cependant, Paul Molac estime que certaines dispositions mises en place contre « la domination de l’anglo-américain » se sont retrouvées utilisées contre les langues régionales avec notamment l’article 2 de la Constitution.  Il ajoute qu’au nom de la loi Toubon de 1994, le Conseil d’Etat a annulé une partie des arrêtés de la circulaire Lang qui valorisait l’enseignement immersif des langues régionales.

Une proposition de loi inefficace face à l’utilisation médiatique et signalétique des langues régionales

L’article 4 de la proposition de loi souhaite étendre l’utilisation des langues régionales par le biais de signalétiques. En effet, les services publics devraient donc mettre en place une signalétique bilingue. Par exemple, les panneaux de signalisation sur l’autoroute doivent comporter une traduction dans la langue de la région dans laquelle ils sont implantés.

Ce renforcement apparait facilement réalisable et modeste, cependant, en l’absence de quelconques obligations on peut s’interroger sur son efficacité. On peut imaginer que seuls les sympathisants aux langues régionales vont mettre en place ces signalétiques ce qui va réduire le champ d’application de la loi. A l’inverse le fait de rendre cette signalétique obligatoire engendrerait les charges supplémentaires. La proposition de loi n’est donc pas assez précise sur ce point et se doit d’être plus claire.

L’article 5 de la proposition a pour objectif de permettre une plus grande ouverture médiatique aux langues régionales. Encore une fois la proposition de loi emploie des termes larges qui ne donnent aucune obligation. De plus, France télévision est déjà contrainte à une obligation d’assurer la promotion des langues régionales par le service audiovisuel. Rance télévision et particulièrement France 3 est soumis à cette obligation dans la mesure où elle a une qualité de chaîne des régions.

L’objectif des articles 4 et 5 est de rendre les langues régionales plus présentes et ainsi qu’elles soient d’avantage utilisées. Cette volonté de la loi de sauvegarde des langues régionales est importante, pourtant, certains articles doivent être remis en question, que ça soit, de part leur écriture ou plutôt parce qu’ils veulent imposer. Le fait d’imposer aux établissements scolaires l’enseignement immersif semble délicat à mettre en place et on peut se poser la question de sa pertinence. Le débat reste entier et la proposition de loi va être surveillée.

A la suite de la présentation de la proposition de loi par Paul Molac à la commission des affaires culturelles, de nombreuses questions ont été posé de la part d’opposants comme sympathisants. La sauvegarde des langues régionales est un sujet majeur, pourtant le fait d’imposer l’enseignement immersif des langues régionales peut s’avérer difficilement réalisable. Les différents partis sont amenés à voter à l’encontre de la proposition de loi ou a proposer des amendements mais aucun ne s’engage à voter pour la proposition telle que rédigée aujourd’hui.

VIDEOS.ASSEMBLEE-NATIONALE, « Commission mercredi 16 décembre 2015 », <http://videos.assemblee-nationale.fr/video.3492465_56711f195e291.commission-des-affaires-culturelles–suppression-de-la-publicite-commerciale-dans-les-programmes-da-16-decembre-2015>, consulté le 18 décembre

UNESCO, « Atlas UNESCO des langues en danger dans le monde », <http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/endangered-languages/atlas-of-languages-in-danger/>, consulté le 20 décembre