LE SMART TEXTILE : VERS LA DIGITALISATION DE NOS GARDE-ROBES

A l’heure où l’innovation technologique est en plein essor dans de nombreux domaines, les industries du smart textile ont un seul but : développer l’usine textile du futur. En trouvant de nouveaux modes de production incluant numérique et nanotechnologies, ces industriels cherchent à adapter nos quotidiens aux nouvelles technologies, jusqu’à la digitalisation de nos garde-robes.

Mais les défis que cette industrie toute particulière a pour ambition de relever se heurtent à de nombreux aspects juridiques, dont le respect nécessite la prise de précautions essentielles.

 

Qu’est-ce que le smart textile ?

 

Le smart textile, ou « textile intelligent », désigne de nombreux types de textiles innovants multiformes. Parmi eux, on trouve les textiles élaborés par des procédés techniques leur permettant d’émettre et de diffuser des molécules aux caractéristiques diverses.

La catégorie la plus connue du public est celle des « e-textiles », qui détiennent un dispositif électrique ou numérique qui, eux, sont fabriqués grâce à des câbles conducteurs ou capteurs : c’est le cas par exemple du vêtement intelligent de sport, le vêtement de monitoring. Ce dernier permet notamment de prendre différentes mesures sur le corps humain telles que le rythme cardiaque, la température corporelle ou encore les calories dépensées, à l’aide capteurs intégrés dans le tissu notamment. Ce sont ces capteurs qui, à leur tour, vont recueillir un certain nombre de données concernant les utilisateurs, alors transférées à une application externe.

D’autre part, il convient de relever que le smart textile sert également une bonne cause : la catégorie des « écotechnos » textiles reposent sur une technologie écoresponsable en utilisant des matières recyclables notamment, ou encore en permettant de dépolluer ou d’absorber des composés organiques volatils.

Mais cette industrie innovante est, en matière de propriété intellectuelle et industrielle, particulièrement difficile à protéger.

 

La protection d’un produit technologique textile par le droit des brevets

 

Il convient de rappeler que la protection de la technologie par le brevet nécessite la réunion de trois critères essentiels, selon l’article L. 611-10 du Code de la propriété intellectuelle : la nouveauté, l’application industrielle et l’activité inventive.

Puisque les textiles intelligents réunissent à la fois des innovations immatérielles telles que les dessins ou modèles, ainsi que des innovations technologiques, ce n’est pas seulement l’aspect esthétique et technique qui est protégé mais également l’aspect technique du produit, ce qui rend cette protection autant essentielle que compliquée. Aussi, le mode de protection juridique du textile dépendra de la nature et des caractéristiques du tissu ou de l’ensemble du vêtement intelligent. Le but étant de savoir s’il convient d’effectuer un dépôt de brevet, de dessins et modèle, de procéder au dépôt du logiciel ou même, parfois, plusieurs dépôts.

Certes le brevet est un titre de propriété industrielle permettant à son auteur de bénéficier d’un droit exclusif sur une invention pendant une période de vingt ans, mais c’est surtout un moyen de défense contre les actes de contrefaçon. Pour se prémunir contre ces derniers, il est opportun de conclure des accords de confidentialité avec tous les participants à l’élaboration des produits en question ou encore simplement d’informer l’ensemble des tiers de l’existence dudit brevet, surtout dans l’industrie du smart textile où le textile lui-même fonctionne grâce à une technologie bien particulière qu’il convient de protéger.

En matière de dépôt de brevets dans l’industrie du textile intelligent, la France et l’Union européenne sont très en retard. Cela va en contradiction avec l’évolution constante du secteur puisque, comme tout le monde de l’électronique, le textile intelligent nécessite un brevet pour ne pas faire l’objet d’une contrefaçon. Face à cela, la France et l’Union européenne se voient opposé un nombre incalculable de brevets au niveau international, et donc la présence de nombreux concurrents comme les japonais notamment, dont une équipe de créateurs dirigés par le chercheur Kenjiro Fukuda et le professeur de génie électrique à l’Université de Tokyo Takao Someya, ont inventé des cellules solaires portables et lavables pouvant être intégrées dans la fibre de n’importe quel tissu, parfaitement réutilisables après lavage. Force est de constater que les d’industrie du textile intelligent française et européenne se trouve face à des concurrents de taille.

 

Une nécessaire conformité quant à la protection des données personnelles collectées par le textile intelligent

 

Comme relevé précédemment, plusieurs types de textiles intelligents nécessitent la collecte de certaines données personnelles des utilisateurs. Ces données peuvent être des données nominatives, des données médicales ou comportementales comme le rythme cardiaque par exemple, des données biométriques ou encore des données de géolocalisation et de mobilité.

Les textiles intelligents concernés par toute réglementation sur la collecte des données sont donc ceux dotés d’un système d’identification, de captation de données diverses et, surtout, d’une capacité de traitement de ces informations.

A travers cette collecte, les entreprises liées au textile intelligent accumulent des informations sur les utilisateurs, dont il convient d’assurer la protection en instaurant une confiance entre l’utilisateur et le vendeur, avant même l’achat du textile en question. Cette confiance sera en place notamment grâce à l’information préalable de l’utilisateur, sur la manière dont seront collectées ses données, et traitées par la suite. Cela garantie une conformité à l’important principe de l’obligation d’information et de recueil du consentement par les utilisateurs de données auprès des consommateurs, posé par l’article 2 de la loi Informatique et Libertés en France et le Règlement Général sur la Protection des Données au niveau européen.

 

Quel avenir pour le smart textile ?

 

Il convient de relever qu’en France, le monde du smart textile possède tout de même une « Fashion week » toute particulière : la « Fashiontech week » à Paris, qui rassemble chaque années les initiatives récentes et conceptions innovantes de la mode contemporaine. Cet évènement témoigne de la volonté d’innover dans ce domaine industriel, dont les nouvelles idées de création sont croissantes.

En revanche, leur présence dans notre quotidien et dans nos armoires nécessite encore de nombreux ajustement, tant au niveau du textile lui-même qu’au niveau juridique.

 

D’une part, le smart textile est marqué par une difficulté de mise en oeuvre des idées, notamment à cause du coût de l’innovation. De nombreuses start-ups, comme Elitac BV aux Pays-Bas, se sont lancées dans l’aventure du textile intelligent. N’étant par définition pas encore rentables, il est difficile pour l’ensemble de ces jeunes entreprises de débuter une procédure de dépôt de brevets, souvent longue et coûteuse. C’est seulement grâce aux investissements de sociétés tiers que le projet pourra donc être durable.

 

De plus, la question de la responsabilité de chacun des acteurs dans la fabrication du smart textile viendra également se poser en cas de litige, qu’il convient de répartir à hauteur de leur participation. Ce type de textile fait en effet intervenir de nombreux experts comme les créateurs, les stylistes, les développeurs, les distributeurs… et notamment les intégrateurs, dont le rôle sera d’intégrer la technologie innovante dans le textile lui-même, technologie pouvant être l’objet du litige si son intégration est défaillante. Afin de répondre à cette interrogation juridique, il conviendra aux entreprises de réfléchir à une structure contractuelle permettant de répartir les obligations et responsabilités de chaque acteur.

Face aux nombreuses exigences juridiques nécessaires à la viabilité textile intelligent, le rôle des industries est d’anticiper leur conformité juridique en matière de protection des données personnelles d’une part, et en matière de brevets d’autre part en assurant une stratégie de confidentialité dés le début de la création de la technologie innovante.

C’est en se conformant comme tel que la France et l’Union européenne arriveront, espérons-le, à rattraper leurs concurrents internationaux sur ce marché très prometteur.

 

 

 

SOURCES :

« Livre blanc sur les textiles intelligents », Union des Industries Textiles (consulté le 30 décembre 2018) ;

« Textiles intelligents : de nouvelles questions juridiques », article de N. ALAHYANE ROGEON, 7 mars 2017 (consulté le 8 janvier 2019) ;

« Les enjeux juridiques des textiles intelligents et connectés », article de N. ALAHYANE ROGEON, 15 octobre 2015 (consulté le 30 décembre 2018) ;

« Smart textiles : quelles problématiques juridiques ? », article de V. Gielles, publié sur Jurisexpert, 17 décembre 2018 (consulté le 8 janvier 2019).