La plateforme Twitter a t-elle permis d’éviter une guerre en Iran ?

Les tweets du président Américain Donald Trump et du Ministre iranien des affaires étrangères Javad Zarif du 8 Janvier 2020 offrent un aperçu intéressant de la manière dont les leaders mondiaux communiquent ; plus rapidement et directement que jamais – en temps de crise.

Le président « twittomane » Américain par le passé ne s’est pas qu’illustré positivement par son utilisation excessive des réseaux sociaux, postant jusqu’à 100 tweets par jour de « grande forme », néanmoins il semblerait que ce 8 Janvier 2020 les deux hommes de pouvoir que sont D. Trump et J. Zarif ont notamment profité de la facilité de communication qu’offre Twitter afin d’éviter qu’une « nuit de tension » dans le moyen orient escalade en un véritable conflit armée durable.

Pourtant, les jours précédents l’attaque d’installations américaines par l’Iran, Twitter semblait faire émerger les pires côtés de la communication du président américain, incluant une menace sans consensus et probablement illégale de bombarder certains sites culturels iraniens

L’analyste Ilan Goldenberg, expert en géopolitique et spécialiste du Moyen-Orient considère que le monde a assisté à une « dé-escalade Twitter [du conflit] en temps réel », ajoutant que cette méthode très directe de gestion de crises qu’est l’utilisation du réseau social Twitter est aussi terrifiante qu’elle est utile dans ce cas précis

Une volonté commune de ne pas engager un conflit durable, partagée via twitter !

Les tweets appelant à la raison et au « désamorçage » du conflit naissant ont été diffusés quelques heures après que l’armée Iranienne ait mis en œuvre une frappe par missiles d’installations américaines en Iraq, ces frappes sont la réponse Iranienne à l’assassinat du Leader des forces Quds, le Général Qasem Soleimani, par une frappe aérienne venant d’un aéronef américain

Ces tweets se sont révélés une réponse moderne remarquable au défi de longue date auxquels les dirigeants mondiaux ont dû faire face en luttant pour communiquer entre les nations pendant les crises antérieures, une communication pourtant indispensable afin de comprendre et diffuser leurs intentions

À l’apogée de la crise des missiles cubain, l’ambassade américaine à Moscou pouvait passer jusqu’à 12 heures pour encoder des messages de 2750 mots, rendant très compliqué la communication entre les leaders de ces nations

Dans les années qui ont suivi la crise des missiles cubains, les États-Unis et l’Union soviétique ont cherché des moyens d’améliorer leurs liens directs de communication. Ils se sont finalement rabattus sur des machines de téléscripteur, installées au Pentagone et au Kremlin, qui sont devenues populairement connues sous le nom de «téléphone rouge», même s’il n’y avait jamais, et ne sont toujours pas, de vrais téléphones impliqués. En fait, les planificateurs de l’époque avaient réalisé – dans une leçon qui s’appliquait encore mardi soir avec l’Iran – l’importance d’écrire les choses pour éviter toute erreur de traduction, messages tronqués ou malentendus. Ils ont compris que parler précisément dans une crise était la clé, et – encore une fois dans une leçon qui semble adaptée à l’ère Trump – ils savaient l’imprévisibilité d’un appel téléphonique non scénarisé.

Cependant, communiquer rapidement avec des dirigeants mondiaux autres que la Russie s’est révélé difficile pour les dirigeants américains, ce qui fait partie de l’échange fascinant de Twitter de mardi soir.

Deux tweets ont « suffi » à désamorcer le conflit

Le monde entier – ou du moins ce sous-ensemble qui était sur Twitter de 19 h 00 à 22 h 00 HE – a vu, tout d’abord, des rumeurs voler (l’Iran a frappé des bases américaines, les États-Unis ont lancé des combattants pour viser l’Iran, l’Iran a lancé encore plus de missiles, L’Iran n’a pas lancé plus de missiles, le président va parler du bureau ovale, le président ne va pas parler du bureau ovale). Pour ceux qui suivent minute par minute en ligne, il semble possible que la guerre éclate.

Au même moment, la Federal Aviation Administration a émis un «NOTAM» d’urgence, un avis à l’aviation américaine, interdisant aux avions et aux équipages de vol américains de survoler l’Iran, l’Irak, le golfe Persique et le golfe d’Oman. Cela semblait un signe inquiétant que la nuit n’était pas terminée et que les frappes militaires pourraient se poursuivre.

Le premier tweet de 21 h 32 HE du ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif a déclaré que l’Iran avait «conclu» une réponse proportionnée. Zarif, qui parle couramment l’anglais et a fait ses études aux États-Unis, y compris un doctorat en droit international de l’Université de Denver, utilise depuis longtemps son compte Twitter avec ses 1,4 million d’adeptes comme moyen de communiquer le point de vue de Téhéran directement avec l’Occident en sa propre langue.

À peine 12 minutes plus tard, @realDonaldTrump a tweeté à ses 70 millions de followers un message tout aussi sobre et encourageant, ne contenant aucun de ses fanfaronnades habituelles, et qui a commencé simplement par “Tout va bien!”
Le sous-texte était clair : nous ne sommes pas aller plus loin, au moins ce soir. Tout le monde peut se coucher.

Ni Trump ni Zarif n’ont tweeté à nouveau toute la nuit. Après des semaines d’activités frénétiques sur Twitter par le président, une centaine par jour parfois, le silence de Trump de 13 heures sur Twitter au moment où il a pris la scène à la Maison Blanche mercredi matin a marqué l’une de ses plus longues périodes de calme en ligne depuis le début du scandale ukrainien à l’automne.

Dans ces remarques, Trump a souligné le message des tweets de la nuit précédente : les tensions avec l’Iran resteraient élevées. Les sanctions augmenteraient. Mais pour l’instant, il n’y aura pas de guerre.

Sources : 

https://twitter.com/ilangoldenberg/status/1214749654958641154
https://www.nytimes.com/2020/01/06/us/politics/trump-esper-iran-cultural-sites.html
https://www.wired.com/story/trump-ukraine-call-crowdstrike-dnc-russia/