La taxe GAFA face à l’American first : les produits de luxe français dans le viseur de Trump 

La taxe GAFA face à l’American first : les produits de luxe français dans le viseur de Trump 

La taxe sur les services numériques (dite taxe GAFA) est un projet de loi français en vue taxer les services numériques, et plus généralement la numérisation de l’économie. Elle a vocation à cerner le périmètre fiscal, avec un objectif d’équité entre entreprises classiques et les entreprises faisant appel à l’économie numérique. Celle-ci porte sur la publicité ciblée en ligne, la vente de données personnelles à des fins publicitaires et les activités de plateformes d’intermédiation. La taxe émet quelques exemptions, telles que : le commerce en ligne et la fourniture de services numériques, ainsi que les services de communication, les services de paiement et les services financiers réglementés. Par conséquent, seuls les services disposant d’une large audience et générant des revenus importants seront concernés. La loi a été définitivement adoptée par le Parlement le 11 juillet 2019. 

Finalement, à quoi correspond cette taxe ? La taxe française impose les sociétés du numérique à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires réalisé en France. Elle concerne les entreprises réalisant plus de 750 millions d’euros de revenus sur le numérique dans le monde et 25 millions en France. Elle devrait rapporter 400 millions d’euros au budget de l’État français en 2019. Une somme qui peut sembler dérisoire, quand on regarde les bénéfices des GAFA. À titre d’exemple Apple a fait un bénéfice annuel de plus de 53 milliards de dollars. Les grands noms de la Tech se voient régulièrement reprocher de ne pas payer leur part d’impôt, grâce à des montages d’optimisation qui leur permettent de transférer leurs bénéfices vers des États à faible fiscalité.

Cependant, l’Administration Trump contre attaque et envisage de taxer les importations des produits français pour riposter à la mise en œuvre de la taxe sur les services numériques. Les produits français de luxe ( spiritueux, fromages, produits cosmétiques, maroquineries ) sont dans le viseur des États Unis, pourtant ils avaient été épargnés suite à l’affaire Airbus. La taxe GAFA s’est attaqué au symbole de la puissance américaine, ainsi la riposte engagée par Trump montre une fois de plus « l’American First ». De la même manière, le gouvernement américain s’attaque aux produits de luxe français qui représentent la puissance et l’économie de la France.

Le conflit sur les taxes n’est pas récent, il faut remonter à l’affaire Boeing / Airbus qui dure depuis 15 ans. En 2004, les États-Unis avaient accusé plusieurs pays européens d’accorder des subventions publiques illégales à l’avionneur, faussant la concurrence. L’année d’après, l’Union européenne accuse le gouvernement américain d’attribuer des milliards de dollars en subventions illégales à Boeing. Ainsi le 2 octobre 2019, l’OMC a évalué à 7, 5 milliards de dollars le montant des dommages subis par les États-Unis liés aux subventions accordées par les Européens à leur avionneur Airbus. Ce montant correspond aux ventes perdues et les difficultés de livraisons engendrées. Depuis le 18 octobre 2019, les avions ont été surtaxés à hauteur de 10% ainsi que les produits industriels et agricoles européens, à hauteur de 25%.

Les tensions entre Washington et Paris se sont réouvertes suite à l’adoption de la taxe GAFA, Les États Unis brandissent à nouveau la menace d’une guerre commerciale avec la France. La taxation des géants du numérique et des multinationales constitue un enjeu majeur pour adapter la fiscalité mondiale à la numérisation. L’idée pour les États est de percevoir des taxes, même si les entreprises ne sont pas physiquement présentes sur leur territoire. 

Bob Lighthizer, représentant du président Trump pour les Affaires commerciales, estime à 2,4 milliards de dollars le préjudice subi par les sociétés américaines comme Google, Amazon, Facebook et Apple, qu’il juge victimes d’une taxe «déraisonnable et discriminatoire». Elle serait en outre incompatible avec les principes fiscaux en vigueur en raison de sa rétroactivité, de son application aux revenus plutôt qu’aux profits, de son application extraterritoriale et de son objectif de pénaliser des sociétés de technologie américaines.

Cette menace sur la taxation des produits de luxe français n’est pas sans conséquence, puisque la valeur boursière de ces industrielles a chuté: LVMH (-1,35%), Kering (-1,41%) Hermès (-1,47%) et L’Oréal (-0,12%) figurent parmi les principales baisses de l’indice CAC 40. Cette annonce a installé la crainte chez les industriels français, notamment la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS) réclame une action urgente du gouvernement français face à ces nouvelles menaces. «Nous déplorons bien évidemment cette annonce qui, après le litige sur Airbus, cible une nouvelle fois les vins français et toujours dans le cadre d’un différend entre la France et les États-Unis qui ne concerne en rien notre secteur», dénonce Antoine Leccia, président de la FEVS. Avec près de 700 millions d’euros, les vins mousseux représentent près de 40% des exportations totales de vins français aux États-Unis sur les douze derniers mois. 

Concernant LVMH, n°1 mondial du champagne, l’éventuelle modification de la taxation des vins français aux États-Unis serait suivie de peu d’effet sur les ventes. En effet, la réglementation européenne rend difficile une augmentation de la taxation aux seuls vins importés de France. De plus, l’augmentation jusqu’à 100% ne représente pas un grand péril dès lors que l’on s’adresse à des produits premium. Cela étant, la société LVMH a inauguré en octobre 2019 un nouvel atelier de production aux États Unis et a récemment acquis l’entreprise de luxe américaine Tiffany & Co. LVMH semble déjà avoir assuré ses arrières dans cette bataille. 

Emmanuel Macron et Donald Trump avaient déjà promis d’aplanir leur différend lors du dernier G7, en donnant à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le mandat de négocier un accord international sur la fiscalité du numérique. Après avoir soutenu la quête d’une solution internationale, l’administration Trump a d’ores et déjà pris ses distances avec le projet mené par l’OCDE. L’administration Trump ne s’arrête pas la, elle a également fait savoir qu’elle envisageait d’ouvrir une enquête sur l’Autriche, l’Italie et la Turquie pour déterminer si leurs taxes sur le numérique menacent les entreprises américaines. 

Les produits français ayant déjà été frappés par une surtaxe de 25% suite au litige Airbus, les groupes de luxe tricolores sont injustement ciblés. Le gouvernement Trump montre encore une fois son protectionnisme grandissant, reste à savoir si ils mettront leur menace à exécution. 

 

Léa CHARTON

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