Vers une publicité « green » du petit écran

Qui n’a pas déjà eu envie d’attraper ses clés et de conduire jusqu’au drive après avoir vu une publicité Mcdonald’s ? Cette occasion pourrait peut-être bientôt ne plus se présenter. Face à Jean-Jacques Bourdin le 25 septembre dernier, Barbara Pompili, l’actuelle ministre de la Transition écologique, a confirmé que les mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat seraient mises en oeuvre par un texte de loi qui sera présenté au gouvernement courant décembre. À l’occasion, elle s’est montrée favorable à un encadrement des campagnes publicitaires télévisuelles portant sur des produits dangereux, dont potentiellement ceux qui affectent notre santé.   

L’influence de la Convention citoyenne pour le climat 

Parmi les cent cinquante mesures défendues par la Convention citoyenne pour le climat se trouvait celle d’interdire de manière efficace et opérante la publicité des produits dangereux émetteurs de gaz à effet de serre. La ministre de la Transition écologique s’est inspirée de cette dernière pour poser le besoin pressant de restreindre, voire interdire, certaines publicités alimentaires. Une nécessité par ailleurs déjà soulevée par une pétition initiée par l’UFC-Que Choisir et six autres associations de consommateurs qui alertait sur les dérives de marketing alimentaire auprès des plus jeunes. Et qui s’est avérée indirectement soutenue par les 89,6 % des 150 citoyennes et citoyens membres de la Convention en faveur d’une régulation de la publicité afin de « réduire les incitations à la surconsommation ». 

L’économie du secteur de la grande distribution et celle des médias sur le point d’être chamboulées

Bien que les motivations soient compréhensibles, si ce n’est bienveillantes, ce projet de loi à la connotation sanitaire et économique pousse à restreindre le marketing alimentaire afin de lutter contre l’épidémie d’obésité et l’incitation à manger trop gras, trop sucré ou trop salé. Et il pourrait coûter cher aux industries. En effet, la publicité est définie par le CSA comme « toute forme de message télévisé diffusé contre rémunération ou autre contrepartie en vue soit de promouvoir la fourniture de biens ou services, (…) dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou de profession libérale, soit d’assurer la promotion commerciale d’une entreprise publique ou privée ». Or, la publicité de la grande distribution représente la part la plus importante de la publicité en France, soit 15% des investissements publicitaires, ce qui représente près de 5 milliards d’euros, tous produits confondus. Sans l’ombre d’un doute, un remodelage des plans de communication et marketing aura lieu chez plusieurs marques de grande distribution, elles qui ont malheureusement déjà perdu en visibilité en raison de la crise du coronavirus.

Le droit participe-t-il à la construction d’une société plus saine ? 

Si le calendrier n’en est qu’à l’étape des négociations, cette démarche fait largement écho à la loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme. La loi dite loi « Evin » avait mis en place l’interdiction de toute forme de publicité en faveur du tabac, ainsi qu’une limitation forte du droit de faire de la publicité pour les boissons alcoolisées. Aujourd’hui le droit se ré-affirme comme un outil permettant à la société d’être plus responsable. Il tente de faire prendre conscience aux consommateurs qu’il est possible de consommer différemment et d’acquérir une consommation plus réfléchie. Il est inenvisageable de penser que l’encadrement de ces publicités télévisuelles n’aura pas d’impact sur nos modes de consommation, surtout quand la télévision est un média de notoriété et reste l’un des principaux vecteurs de communication. Si le gouvernement a choisi de s’attaquer à la publicité, c’est parce qu’il sait qu’elle marche, et notamment la publicité sur petits écrans. Les dépenses massives de publicité commerciale et de marketing promotionnel engendrent directement des phénomènes de surconsommation de masse devenant insoutenables pour le bien-être humain et, à terme, pour celui de la planète.

Une annonce qui suscite encore des interrogations 

La malbouffe, les fast-food, ainsi que les aliments ayant un nutriscore décevant seront probablement visés. Mais quels sont-ils réellement ? Le travail d’écriture ne sera pas sans difficulté. Il faudra faire preuve d’objectivité afin de faire du politiquement correct. L’effort de définition sera lourd, il ne s’agira pas de viser les marques ou leurs produits, mais bien au contraire de mettre en avant la nocivité du produit par le biais de critères retenus pour soutenir que sa publicité doit être limitée ou l’interdire de diffusion. En espérant cette fois que l’hémicycle sera plus favorable à cette idée. Alors même que la loi du 20 décembre 2016, relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, a eu pour effet d’exclure les publicités alimentaires durant la diffusion des programmes destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans, pendant un délai de quinze minutes avant et après cette diffusion, rappelons que l’hémicycle n’a pas retenu l’interdiction des publicités pour des produits alimentaires trop gras, trop sucrés ou trop salés à destination des enfants lors de l’examen du projet de loi agriculture et alimentation en mai 2018. 

Sources :

  • Jean-Loup Delmas, Publicité : Interdire les spots sur les produits nocifs, est-ce possible ? Et efficace ?, www.20minutes.fr, 21 septembre 2020
  • Partageons nos valeurs : certaines enseignes jugées nuisibles à l’environnement ou à la santé pourraient être privées de diffusion à la télévision par Valère Corréard, bfmtv.com, 22 septembre 2020
  • Barbara Pompili face à Jean-Jacques Bourdin en direct, BFMTV et RMC, 25 septembre 2020
  • ACTION UFC-QUE CHOISIR, Obésité infantile Dites STOP à la publicité pour la « malbouffe »,www.quechoisir.org, 16 septembre 2020
  • Le Monde avec AFP, L’Assemblée rejette l’interdiction des publicités pour aliments trop gras et l’étiquetage nutritionnel obligatoire, www.lemonde.fr, 27 mai 2018