Influenceurs et code de la consommation : vers une réglementation plus stricte ?

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) définit l’influenceur comme « un individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie ».

« Influenceur » c’est le nouveau métier en vogue convoité par la nouvelle génération. Ce terme rassemble en réalité un flux de personnalités du monde du numérique, à savoir : les vlogueurs, youtubeurs, streamers ou encore instagrammeurs. Ils sont créateurs de contenu multimédia, leur domaine de prédilection ? Les jeux vidéos, le lifestyle, les voyages, le maquillage, la cuisine, la musique… Le marketing d’influence utilise la notoriété d’un « influenceur » pour faire la publicité d’un produit ou d’une marque.

Ce nouveau secteur donne l’illusion d’un eldorado du virtuel sans règles, au sein duquel tous les coups sont permis et où l’argent coule à flot. Au regard de son apparition récente, le droit peine à s’adapter face à un monde où tout va toujours plus vite.

L’absence d’un statut juridique propre à l’influenceur

Afin d’illustrer ce vide juridique : il n’existe pas encore en France de statut juridique ou fiscal propre aux influenceurs. Néanmoins, cela ne veut pas dire que ces derniers peuvent se dispenser du respect des différentes réglementations en vigueur comme les pratiques commerciales déloyales ou trompeuses.

Les influenceurs oublient régulièrement de préciser à leurs abonnés qu’ils sont majoritairement rémunérés pour faire la promotion de produits qu’ils présentent. C’est ce qu’on appelle la dissimulation de la collaboration, qui peut être considérée comme une pratique commerciale trompeuse et peut faire l’objet d’une lourde sanction prévue par l’article L132-2 du code de la consommation (jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende pouvant atteindre 300.000 euros). En effet, l’article L121-3 du code de la consommation prévoit que :

« Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l’entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu’elle n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte. »

Le 28 juillet 2021, le service national des enquêtes de la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a mené des investigations ayant conduit au paiement d’une amende de 20.000 euros par l’influenceuse Nabilla, pour pratiques commerciales trompeuses relatives à une opération d’influence diffusée en 2018. Cette dernière avait fait la promotion d’un service de formation au trading de crypto-monnaies sans mentionner de manière explicite que cette communication était rémunérée. Selon l’autorité de la concurrence, cela est assimilable à une pratique commerciale trompeuse. Nabilla a ainsi coopéré avec la DGCCRF pour aboutir à cette transaction d’un montant calculé par rapport aux bénéfices retirés de l’opération. Elle a par la suite réagi sur Twitter :

Peut-on néanmoins accabler ces influenceurs ? Ne seraient-ils pas eux même victimes d’un vide juridique ? Note de rappel, une activité réglementée est une activité encadrée par une loi ou un règlement déterminant les conditions d’accès, d’exercice ou d’exploitation. L’activité d’influence a connu un véritable essor économique au début des années 2010. En 2021, le marché de l’influence est estimé à 15 milliards d’euros, et ce n’est que le début.

Selon une étude de l’Argus Presse, trois abonnés sur 4 ont déjà effectué un achat « sous influence » et 62 % des utilisateurs les plus actifs ont entre 18 et 24 ans.Le monde d’influence s’adresse donc principalement à un public très jeune, qui délaisse les médias traditionnels comme la télévision au bénéfice des réseaux sociaux. Ce phénomène doit alerter le législateur, qui doit se pencher rapidement sur la question visant à encadrer plus strictement les acteurs du secteur.

En l’absence de réglementation stricte, comme c’est le cas actuellement en l’espèce, il est nécessaire d’encadrer spécifiquement dans des contrats de partenariats les obligations des parties. Malgré un manque de réglementations, il existe certaines règles applicables, notamment des dispositions protectrices des consommateurs.

L’application du code de la consommation au marketing d’influence

Les influenceurs sont évidemment susceptibles d’engager leur responsabilité pour les contenus qu’ils publient. Ils doivent répondre à plusieurs exigences notamment de transparence dans le cadre de leur communication publicitaire, plus communément appelée « placement de produits ». L’article L121-4 du Code de la Consommation liste les pratiques commerciales, qui sont considérées comme trompeuses, parmi les 23 situations énumérées, deux concernent les influenceurs : « Sont réputées trompeuses, au sens des articles L121-2 et L121-3, les pratiques commerciales qui ont pour objet : […] 11° D’utiliser un contenu rédactionnel dans les médias pour faire la promotion d’un produit ou d’un service alors que le professionnel a financé celle-ci lui-même, sans l’indiquer clairement dans le contenu ou à l’aide d’images ou de sons clairement identifiables par le consommateur ; […] 21° De faussement affirmer ou donner l’impression que le professionnel n’agit pas à des fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ou de se présenter faussement comme un consommateur ».

Ainsi, l’influenceur doit informer sa communauté que son contenu est sponsorisé par la marque dont il promeut le produit. Il reste libre sur les modalités d’informations et sur le formalisme : cela peut se limiter à une phrase écrite dans la description, un texte ou un simple hashtag…

La transparence de l’influenceur est cruciale : le consommateur doit être informé si ce qu’il regarde est de la communication publicitaire ou non. Aussi, l’influenceur ne jouit pas d’une liberté d’expression sans limites, il doit aussi respecter les dispositions du Code de la Consommation, afin de ne pas être accusé de pratiques commerciales trompeuses. Les influenceurs sont au cœur de la tourmente médiatique, notamment dans ce cadre de publicité dissimulée. Un jugement en date du 2 juin 2020 rendu par le tribunal de commerce de Lille a ainsi condamné pour pratiques commerciales trompeuses un youtubeur et la société dont il faisait la promotion des produits à 20.000 euros de dommages et intérêts. Les exemples de condamnations comme celui-ci s’accumulent de manière conséquente depuis l’apparition de ces « influenceurs ».

Ils doivent également répondre à une responsabilité liée au contenu diffusé, en effet, les publications des influenceurs sur les réseaux sociaux sont susceptibles d’avoir une influence significatives sur le comportement économiques des personnes visées et ne doit pas les tromper. Dans le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille précédemment cité, il était également question de publicité comparative illicite. Dans sa vidéo, le youtubeur comparait des produits de la marque par laquelle il était sponsorisé à une autre marque. Cette présentation était entachée d’erreurs et de mensonges.

L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité tente de mettre en œuvre des dispositifs visant à encadrer ces pratiques, en publiant notamment le 12 septembre 2019 une infographie listant les bonnes pratiques à adopter en tant qu’influenceur. Bruno LeMaire, ministre de l’économie, a rappelé sur Twitter que:  « Les influenceurs doivent informer leur communauté quand ils sont rémunérés pour faire la promotion de produits », et conseil vivement de signaler auprès de la DGCCRF « tout comportements trompeurs » ou « publicités déguisées ».

A ce titre, l’influenceur et l’influencé doivent être vigilants. D’autres enquêtes sont d’ailleurs en cours. Les publicités réalisées par des influenceurs sont en forte croissance, et concernent de nombreux secteurs et modes de vente. Ainsi, le législateur a pour mission d’encadrer ces nouveaux métiers en plein essor ayant une influence conséquente dans notre société moderne, le vide juridique constaté peut représenter une véritable menace si des lois strictes ne viennent pas rapidement réglementer le domaine du marketing d’influence numérique.

Bibliographie:

https://www.lsa-conso.fr/les-influenceurs-ces-nouveaux-chouchous-de-la-grande-consommation-1-15,391136

https://www.lettredunumerique.com/

https://info.haas-avocats.com/droit-digital/influenceurs-et-code-de-la-consommation-la-dgccrf-au-garde-a-vous#:~:text=A%20ce%20titre%2C%20il%20faut,responsabilit%C3%A9%20li%C3%A9e%20au%20contenu%20diffus%C3%A9

https://www.thierryvallatavocat.com/2021/07/pratiques-commerciales-trompeuses-les-influenceurs-aussi-doivent-respecter-le-code-de-la-consommation.html