LA CMTI-12, UNE REUNION DETERMINANTE SUR LA REGULATION D'INTERNET ET DES TELECOMMUNICATIONS INTERNATIONALES

Depuis les années 80, le Règlement International des Télécommunications fait office de cadre règlementaire international au monde hyperconnecté. Naturellement, ce traité détermine et permet la mise en oeuvre des missions incombant à l’Union Internationale des Télécommunications, qui gravitent autour d’un axe essentiel, à savoir favoriser une expansion harmonieuse et un accès universel aux technologies de l’information et de la communication (TIC). Toutefois, l’univers des TIC étant en constante évolution, les Etats signataires ont jugé nécessaire de se réunir afin de réadapter ce traité au monde technologique actuel, notamment internet, d’où une prochaine réunion en Conférence Mondiale des Télécommunications Internationales (CMTI-12) à Dubaï.

A PROPOS DE L’UIT ET DE SON REGLEMENT INTERNATIONAL DES TELECOMMUNICATIONS

L’Union Internationale des Télécommunications telle que nous la connaissons actuellement s’est construite progressivement.
Fondée en 1865 en tant qu’Union Télégraphique Internationale, par la Convention Télégraphique Internationale signée par vingt Etats européens, c’est à partir du 1er janvier 1934 qu’elle prendra l’appellation d’Union Internationale des Télécommunications. Puis l’année 1947 marque son rattachement officiel à l’ONU, en tant qu’institution spécialisée des Nations Unies; son siège est alors transféré de Berne à Genève (Suisse). Aujourd’hui, 193 Etats sont membres de l’UIT, tout comme des acteurs importants et influents dans le domaine des technologies de l’information et des télécommunications (entreprises…). Ainsi, les missions éxécutées par l’UIT concernent aussi bien le secteur public que privé.
L’UIT est structurée en trois secteurs: le secteur des radiocommunications (UIT-R), celui de la normalisation des télécommunications (UIT-T) et enfin celui du développement des télécommunications (UIT-D). Son rôle est considérable en ce qui concerne les réseaux, l’interconnexion et les télcommunications à l’échelle mondiale.
En effet, cette institution est en charge de veiller activement à une exploitation harmonieuse des TIC dans le monde. Elle s’assure du maintien et de l’expansion d’une véritable coopération entre les Etats en la matière. De même, dans la mesure où ses membres proviennent aussi bien du secteur privé que du secteur public, elle doit promouvoir et stimuler toutes sortes d’associociations et autres partenariats fructueux entre ses membres. Cette institution règlemente et planifie les TIC à l’échelle planétaire, à cet égard, elle diffuse toute information technique nécessaire à une exploitation des plus harmonieuse et des plus aiguisée. Elle attribue également les bandes fréquences en ce qui concerne la communication hertzienne. Toujours dans une optique d’expansion, de diffusion l’UIT offre une assistance technique aux pays en voie de développement dans le domaine des télécommunications, et promeut l’accès à l’information et la mobilisation de moyens pour y parvenir.
En d’autres termes, l’objet de l’UIT repose sur l’ambition fondamentale de permettre à tout citoyen du monde d’être connecté. Un rôle sans égal à l’heure où les TIC sont à la base de toutes nos activités et font partie intégrante de notre quotidien, dont on retrouve les fondements dans le Règlement International des Télécommunications.

Le RTI est un traité international de force obligatoire, rédigé en 1988 lors de la Conférence administrative mondiale télégraphique et téléphonique à Melbourne (Australie).
Entré en vigueur en 1990, il n’a jamais fait l’objet d’une quelconque modification depuis. Lors de sa rédaction, l’heure était aux entreprises de télécommunications publiques, et la conclusion de ce traité s’est avérée utile pour contribuer aux mutations des TIC que l’on connaît.
L’objet du RTI, en vertu de son article 1.1 a, est de favoriser ” l’interconnexion et les possibilités d’interfonctionnement à l’échelle mondiale ” des moyens de télécommunication. Il établit des principes généraux qui régissent l’exploitation des télécommunications internationales. Ce traité a permis de fixer un cadre à l’interconnexion mondiale, structuré en axes couvrant des domaines indispensables à un échange international de télécommunications bénéfique. Ainsi sont abordées les questions de comptabilité, de facturation, ou encore de la protection de la vie humaine. Et quand bien même le traité n’a jamais été modifié, son article 9 dit “arrangements particuliers”, a laissé la voie ouverte à d’autres types de trafics, non prévus dans le Règlement.
Le RTI rappelle donc les principaux fondements inhérents à la libre circulation des informations dans le monde, et a contribué à la recherche de l’innovation et le développement des marchés à l’échelle planétaire. Malgré tout, les Etats membres de l’UIT ont décidé de réviser ce traité afin de discuter et envisager de nouvelles règles et missions concernant Internet, et le reste des télécommunications.

LA CMTI-12, UNE CONFERENCE DECISIVE SUR LA GOUVERNANCE D’INTERNET ET DES TELECOMMUNICATIONS

La Conférence Mondiale des Télécommunications Internationales (CMTI-12) se déroulera à Dubaï (Emirats Arabes Unis) du 3 au 14 décembre 2012. L’objet de cette conférence réside dans la révision et la modernisations du RTI afin de s’adapter aux mutations technologiques et aux développement des télécommunications de ces 20 dernières années, en particulier Internet. Au cours des deux decennies passées, le modèle en matière de télécommunications internationales demeurait la stimulation de la concurrence et une politique de libéralisation toujours plus aiguisée. Outre le rôle décisif de l’UIT, les Etats étaient et sont souverains en ce qui la régulation des télécommunications intérieures et la gestion de leur industrie. Toutefois, au vu du développement de l’Internet, va être discutée la question d’une potentielle régulation de ce domaine par l’UIT. L’importance de cette réunion est grande puisqu’il s’agit de conférer une éventuelle autorité accrue à l’UIT, dans le secteur des télécommunications, ce qui imprègne la CMTI-12 d’enjeux politiques non négligeables.
Tout d’abord, soulignons que l’UIT et ses Etats membres n’ont pas les mêmes attentes concernant cette conférence. Alors que certains Etats prônent une révision en profondeur du RTI et un accroissement des pouvoirs de l’UIT sur la gouvernance d’Internet, d’autres suggèrent une simple modernisation de celui-ci, afin de poursuivre sur la voie de la libéralisation et de la favorisation de l’interconnexion.
S’il advenait que l’issue de cette réunion internationale permette de conférer à l’UIT un pouvoir de gouvernance sur l’Internet, les conséquences seraient négatives pour la perrenité du modèle libéral et concurrentiel qui a prévalu jusqu’alors.
En effet, l’UIT deviendrait une sorte d’autorité régulatrice supranationale, dont les recommandations auraient des allures de lois. Cela, à la réjouissance des pays en voie de développement qui contestent amèrement la façon de traiter les télécommunications, et se sentent lésés dans leurs besoins économiques, au détriment d’importantes compagnies internationales de télécommunications. Plusieurs propositions ont été faites en ce sens, concernant la cybersécurité, la règlementation d’Internet, la gestion des prix, la règlementation de l’itinérance ou encore l’obligation d’appliquer les recommandations de l’UIT.
Toutefois cette issue désavantagerait sérieusement le reste des Etats, mais aussi les compagnies de télécomunications et de TIC. Les Etats “autonomes” devront renoncer à leur pouvoir de gérer et réguler l’ensemble de leurs télécommunications intérieures, ou du moins devra faire des concessions en faveur des recomandations de l’UIT.
Les géants de la technologie (Google..) sont en alerte et craignent, à juste titre, que cela ne conduise à une censure du contenu Web et à l’entrave des innovations dans la cybersphère.
S’il ressortait de cette conférence, une quelconque règlementation d’Internet par l’UIT, le mode de gestion des compagnies de télécommunications serait bouleversé, de même que l’interopérabilité entre les acteurs de l’univers des TIC, ou encore la capacité d’innovation et la fourniture de service. Dans ce cas, l’impact économique et politique serait sans précédent. Si toutefois le résultat de cette conférence tenait en une simple modernisation du RTI, cela pourrait s’avérer une occasion de renforcer la collaboration entre les pays.
Il semble donc important de suivre cette conférence à double tranchant, qui pourrait bouleverser substantiellement l’univers des TIC, et surtout met en jeu des questions aussi cruciales que la gouvernance de L’Internet et la liberté de communication des individus.

SOURCES:

– STONEHOUSE Ri., « Conférence Mondiale des Télécommunications », internetsociety.org, consulté le 25 novembre 2012, http://www.internetsociety.org/fr/cmti

– « CMTI-12: Apropos de la conférence », itu.int/fr, consulté le 23 novembre 2012, http://www.itu.int/fr/wcit-12/Pages/overview.aspx

– « A propos de l’UIT », itu.int/fr, consulté le 23 novembre 2012, http://www.itu.int/fr/about/Pages/overview.aspx

– BERNE Xa., « Google: des gouvernements ne sont pas favorables à un Net libre et ouvert », pcinpact.com, consulté le 24 novembre 2012, http://www.pcinpact.com/news/75496-google-gouvernements-ne-sont-pas-favorables-a-net-libre-et-ouvert.htm

– BOUDET- DALBIN So., « La future régulation mondiale du net entre les mains de l’UIT », intermedia.homo-numericus.net, consulté le 20 novembre 2012, http://intermedia.homo-numericus.net/archives/tag/cmti-wcit

– GROSS M.J, «World War 3.0 », vanityfair.com, posté en mai 2012, consulté le 23 novembre 2012, http://www.vanityfair.com/culture/2012/05/internet-regulation-war-sopa-pipa-defcon-hacking